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Quelle place accordée à l’IA dans la gestion des talents ? Focus avec l’Institut G9+

Par Philippe Guerrier | Le | Gestion des talents

L’Institut G9+ a récemment organisé une session sur le thème de l’IA et la gestion des talents. Quelles perspectives ? Avec les contributions d’Alain Roumilhac (ManpowerGroup), Richard Ruot (France Travail), Laurent Champaney (Arts et Métiers), et Laurence Devillers (université Paris-Sorbonne)

Table ronde Institut G9+ : « Prospectives pour les talents et l’Intelligence Augmentée » (18/03/2024) - © D.R.
Table ronde Institut G9+ : « Prospectives pour les talents et l’Intelligence Augmentée » (18/03/2024) - © D.R.

La gestion RH à l'ère de l’IA suscite des débats passionnés au regard des perspectives de transformation des tâches, des fonctions, des missions et de l’organisation du travail au sens large.

Nouvelle démonstration avec cette session de débats organisée le 18 mars 2024 par l’Institut G9+, qui fédère 20 communautés d’anciens de grandes écoles françaises (écoles d’ingénieurs, management, sciences politiques, université).

Baptisée « la responsabilité numérique des entreprises et des individus face à l’IA », cette réunion-débat a permis de développer notamment un focus DRH sous l’angle : « Prospectives vers de nouvelles trajectoires pour les talents et Intelligences Augmentées ».

Voici des extraits des échanges entre les 4 personnalités invitées :

  • Alain Roumilhac, Président de la zone Europe du Sud chez ManpowerGroup ;
  • Richard Ruot, Directeur en charge de l’ergonomie, des pratiques de transformation et de l’IA à France Travail;
  • Laurent Champaney, Directeur général de l’École nationale supérieure des Arts et Métiers et président de la Conférence des grandes écoles ;
  • Laurence Devillers, Professeure d’IA à l’université Paris-Sorbonne

Alain Roumilhac (ManpowerGroup) : « L’IA aura comme impact de polariser davantage le marché du travail » 

  • « L’IA constituera un accélérateur de tendances qui existent déjà. Il faut préparer un certain nombre de personnes à changer de compétences. Pour bâtir les systèmes d’IA à installer dans les entreprises, par exemple. Certains perdront leur job comme on l’a connu au début de l’ère industrielle.
  • L’IA aura aussi comme impact de polariser davantage le marché du travail avec une quasi-disparition de ce que l’on appelle la classe moyenne.
  • Les entreprises doivent assurer la transformation des compétences pour mettre en œuvre les nouveaux systèmes. La conduite du changement est un vrai sujet qui demande du temps avec des questions en suspens :
    • quelle est la capacité d’adaptation des organisations aux nouveaux environnements ?
    • comment accompagner les personnes qui ne sont pas préparées à un monde de plus en plus numérique ?
  • Entre la décroissance démographique en Europe d’un côté, et l’automatisation accrue qui pourrait accélérer les pertes d’emplois de l’autre, nous pouvons anticiper que nous n’aurons pas un énorme problème de chômage dans les 5 ans à venir », déclare Alain Roumilhac, Président de la zone Europe du Sud chez ManpowerGroup.

Un pilote IA enclenché par ManpowerGroup en Italie

« • Pour nos agences d’intérim en Italie, nous sommes en phase de déploiement d’un algorithme puissant qui démontre que les équipes sont 20 % plus productives quand elles suivent à la lettre les recommandations de l’algorithme plutôt que de suivre leur intuition.
• Sachant que nos équipes reçoivent une part significative de leur rémunération sous forme de variable, on aurait pu penser que cet algorithme serait un moteur fort, mais nous avons du mal à faire admettre aux équipes concernées que la machine se révèle plus compétente », déclare Alain Roumilhac.

Richard Ruot (France Travail) : « Demain, l’IA deviendra-t-elle aussi une compétence de base ? »

  • « Le numérique devient une compétence de base. Un diagnostic est réalisé auprès des demandeurs d’emploi à travers PIX emploi, qui permet d’évaluer les compétences. Demain, l’IA deviendra-t-elle aussi une compétence de base ? Il faudra se poser la question en France. Cela passera peut-être par une évaluation minimale.
  • L’autre vraie question porte sur la transformation des process métiers par l’IA. Dans les métiers d’accompagnement des demandeurs d’emploi et des entreprises, nous voyons des tas de possibilités où nous pourrions intégrer l’IA pour réaliser des tâches sans valeur ajoutée. Mais, de l’autre côté, comment capter des données de qualité ? Les personnes remplissent peu leurs profils dans les formulaires et les entreprises qui déposent des offres ne mettent pas en avant les compétences attendues.
  • Avec l’IA générative, nous essayons d’inventer un nouveau dialogue pour sortir des carcans des référentiels et de la structure des offres et des profils pour exploiter n’importe quelle interaction et aboutir à une personnalisation plus poussée.
  • Nous sommes au début de l’histoire pour développer une qualité des données par rapprochement. Comment réinjecter cela dans notre SI pour servir tout le processus ? C’est un véritable challenge. », déclare Richard Ruot, Directeur en charge de l’ergonomie, des pratiques de transformation et de l’IA à France Travail (ex-Pôle emploi).

Laurent Champaney, Arts et Métiers : « Nous voulons aider les cadres à utiliser l’IA au nom de la performance » 

  • « Dans nos écoles, nous formons des cadres qui doivent prendre des décisions, assumer et justifier des choix. Ils doivent trouver des solutions à des problèmes de plus en plus complexes (sociétaux, économiques, environnementaux…). Cette population ne fera pas une confiance totale à l’IA en étant capables de maîtriser la qualité des jeux de données.
  • La question est de déterminer les contours du ‘cadre augmenté’ pour qu’il aille plus vite et qu’il se montre plus pertinent dans le travail en disposant d’outils supplémentaires d’analyse de l’information. Nous voulons aider ces cadres à utiliser l’IA, prédictive ou générative, pour qu’ils soient plus performants », déclare Laurent Champaney, Directeur général de l’École nationale supérieure des Arts et Métiers et président de la Conférence des grandes écoles.

Laurence Devillers, Sorbonne : l’avis de l’experte IA

« • L’adaptation de l’outil à la tâche et à l’application est extrêmement important. Il ne faut pas faire des techniciens en dehors des clous, apprendre sur le terrain pour des questions écologiques et regarder les usages ;
• Il faut favoriser la co-création entre différents métiers. C’est l’avenir des talents », déclare Laurence Devillers, Professeure d’IA à l’université Paris-Sorbonne.

Concepts clés et définitions : #DRH ou directeur des ressources humaines