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Femmes dans les métiers du numérique : « Nous sommes loin du compte » (Elisabeth Moreno)

Par Philippe Guerrier | Le | Motivation & engagement

C’est le constat amer dressé par Elisabeth Moreno, Présidente de la fondation Femmes@Numérique, dans le cadre des Assises 2024 de la féminisation des métiers et filières numériques. Une table ronde avec Numeum, Accenture, le HCE et l’AFMD confirment que le chemin vers la parité est long.

Assises 2024 de la féminisation des métiers et filières numériques : Intervention d’Elisabeth Moreno - © D.R.
Assises 2024 de la féminisation des métiers et filières numériques : Intervention d’Elisabeth Moreno - © D.R.

Attirer et fidéliser les femmes dans le secteur numérique, c’est toujours aussi compliqué voire plus complexe.

« Peut-on imaginer un monde numérique en 2024 avec seulement 17 % de femmes en France ? Actuellement, nous avons moins de femmes dans le numérique qu’il y a 50 ans dans l’informatique », déclare Elisabeth Moreno, Présidente de la fondation Femmes@Numérique, dans son propos d’introduction à la 2ème édition des Assises nationales de la féminisation des métiers et filières numériques organisées le 8 février 2024 à Paris.

Elisabeth Moreno (Femmes@Numérique) : « Comment passer à l’échelle ? »  

  • « Il faut le reconnaître : malgré tous les efforts de l’écosystème numérique qui est puissant dans le sens de la féminisation des métiers et filières numériques, pour quelles raisons ne passe-t-on pas à l’échelle ? ;
  • L’étude, dévoilée en novembre 2023 par le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) sur les relations entre femmes et numérique, les inégalités de genre et le sexisme qui progresse, est glaçante ;
  • Nous sommes tellement loin du compte. Pire : on régresse », indique Elisabeth Moreno.

  • « Dans certains pays en voie de développement, il y a plus de femmes qui embrassent des carrières dans le numérique que dans notre propre pays. J’ai hésité à faire le constat mais nous le savions déjà. Cela fait 20 ou 30 ans que nous travaillons bon an, mal an dessus. Il faut le reconnaître : malgré tous les efforts de l’écosystème numérique qui est puissant, pour quelles raisons ne passe-t-on pas à l’échelle ? 
  • Nous risquons de rencontrer un véritable problème si l’on ne fait pas en sorte que les jeunes filles, dès le plus jeune âge en primaire, voire en maternelle si cela ne tenait qu’à moi, apprennent à lire, à écrire, à compter et à coder », déclare l’ex-ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances dans la période juillet 2020 - mai 2022 (gouvernement de Jean Castex).

Féminisation du numérique : quels leviers pour monter en puissance ?

Ce triste constat a été accentué dans le cadre d’une table ronde intitulée « Entre invisibilisation et ambition : la mixité dans la révolution numérique » et organisée dans le cadre des Assises nationales de la féminisation des métiers et filières numériques. 

Assises de la féminisation du secteur numérique, 8 février 2024 - © D.R.
Assises de la féminisation du secteur numérique, 8 février 2024 - © D.R.

Véronique Torner, Numeum : « Donner un signal pour que les filles aient envie de rentrer dans le secteur »

  • « 30 % de femmes agissent dans le secteur numérique, mais, sur des populations purement techniques, c’est seulement 16 % ;
  • Se priver de 49 % des talents au féminin, c’est presque suicidaire. C’est un handicap majeur en France mais aussi en Europe. Cette situation pose aussi des questions de souveraineté », déclare Véronique Torner, Présidente de Numeum.

  • « Avant ma nomination en qualité de présidente de Numeum en juin 2023, j’ai monté une société technologique (ndlr : Alter Way). Numeum a choisi de communiquer volontairement dans le sens ‘Être une femme et travailler dans la tech, c’est possible’ car cela sert à exposer des rôles modèles. Nous voulons donner un signal pour que les filles aient envie de rentrer dans le secteur, d’y faire carrière, de s’épanouir dedans et d’avoir en parallèle une vie de famille.  Aujourd’hui, le conseil d’administration de Numeum est constitué de 34 % de femmes.
  • Sous la houlette de notre administratrice Maÿlis Staub, nous venons de monter au sein de Numeum le programme NOVA in tech autour de la reconversion professionnelle des femmes qui prend la forme d’un kit donné aux 2500 entreprises du numérique membres de Numeum. »

Khalid Lahraoui, Accenture : « Compter sur des rôles modèles et des mentors auprès des jeunes dans les écoles »

  • « Chez Accenture, nous prêtons une certaine attention au sujet de l'égalité femmes-hommes à travers notre initiative #EgaleAEgal ;
  • Globalement, toutes les entreprises se sont saisies du sujet mais cette prise de conscience fait face aussi à une certaine résistance.
  • Chez Accenture, nous menons beaucoup d’effort dans le sens de la diversité. Mais Il ne faut pas relâcher la vigilance, que ce soit dans le recrutement, la formation et les cycles de promotion. Il est important de compter sur des rôles modèles et des mentors qui interviennent auprès des jeunes dans les écoles. Nous y participons, notamment à travers l’association Elles bougent.
  • Au sein de notre activité Accenture Technology, 30 % de notre leadership (au statut de managing directors) sont des femmes. Nous sommes en dessous de cette barre pour toutes les autres activités d’Accenture mais nous nous y rapprochons avec l’attention portée par Olivier Girard, président d’Accenture France et Benelux, et Julie Sweet, notre CEO monde », déclare Khalid Lahraoui, Directeur exécutif Financial Services Lead Accenture France, Benelux.

Catherine Ladousse, HCE : « Rendre stratégique la féminisation dans le secteur numérique »

  • « C’est une question de performance économique et de justice. Si le Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes s’est emparé du sujet du numérique, c’est notamment parce qu’il y a une prise de conscience en matière d’égalité des droits entre les femmes et les hommes sous la forme de cri d’alarme. Il fallait absolument analyser le phénomène pour l’enrayer ;
  • Compte tenu du diagnostic désastreux établi dans notre rapport sur les relations entre femmes et numérique et de nos propositions ‘pour mettre un terme aux inégalités de genre et rompre le cercle vicieux du sexisme’, il faut trouver des solutions collectives ;
  • La féminisation dans le secteur numérique est stratégique, comme la transition énergétique. Ce n’est pas le cas actuellement », déclare Catherine Ladousse, Présidente de la commission Parité du HCE.

Delphine Pouponneau (AFMD) : « Résister aux stéréotypes classiques » 

  • « Sur un marché pénurique comme celui du numérique, nous avons besoin de tous les talents, masculins ET féminins, pour rester dans la compétition internationale. C’est un vrai enjeu et il faut inciter les jeunes femmes à rejoindre ces filières ;
  • En décembre 2023, l’AFMD, en partenariat avec la Conférence des grandes écoles (CGE) et l’ESC Clermont Business School, a publié la 3ème édition du Baromètre portant sur les stéréotypes de genre et les valeurs professionnelles des étudiantes et étudiants des Grandes écoles.
    • Il en ressort un discours plutôt égalitaire en première lecture : 80 % déclarent qu’il existe les mêmes compétences chez les femmes que chez les hommes.
    • Mais, en y regardant de plus près, sur 23 compétences, 60 % des étudiants suggèrent que certaines d’entre elles sont plus masculines que féminines en mettant en avant des stéréotypes classiques :
      • Côté homme, davantage de confiance en soi, de leadership, d’autorité et de capacité à gérer le stress côté homme ;
      • Côté femme, davantage d’empathie, écoute et de communication », déclare Delphine Pouponneau, Coprésidente de l’Association française des managers de la diversité (AFMD) destinée aux managers pour encourager la diversité et l’inclusion dans le monde du travail. 

tio