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Tout savoir sur le bulletin de paie simplifié

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Une quarantaine de lignes en France contre une quinzaine en Allemagne… Le bulletin de paie hexagonal bat depuis de nombreuses années des records d’illisibilité ! Pour mettre fin à cette complexité, le gouvernement a, dans le cadre du choc de simplification, décidé d’imposer un bulletin de paie simplifié à l’ensemble des entreprises d’ici à 2018. Que doivent faire les entreprises pour que cette mise en place ne se transforme pas en usine à gaz ? Quand doivent-elles commencer ? Comment communiquer auprès de leurs salariés ? Retrouvez toutes les réponses dans notre dossier spécial consacré à la mise en place du bulletin de paie simplifié.

Tout savoir sur le bulletin de paie simplifié
Tout savoir sur le bulletin de paie simplifié

1 - Que dit la loi ?

Instaurée dans le cadre du choc de simplification souhaité par le président de la République en 2013 afin de changer la vie des entreprises et des citoyens, la nouvelle mouture du bulletin de paie a connu depuis quelques mises au point. Focus sur les points de la loi à retenir.

Une nouvelle présentation

La forme du nouveau bulletin a été fixée par un décret et un arrêté parus au Journal officiel du 26 février 2016. Ces derniers précisent les libellés, l’ordre et le regroupement des informations qui vont figurer sur ce nouveau bulletin.

Afin d’améliorer la lisibilité du bulletin de paie, le décret prévoit la construction d’un référentiel des intitulés de paie, permettant de retenir, pour chaque ligne, la mention la plus compréhensible possible. L’arrêté fixe les libellés obligatoires.

Des éléments regroupés :

- Les cotisations et contributions sont désormais regroupées par risques couverts : santé, accidents du travail-maladies professionnelles, retraite, famille, assurance chômage.

- Les autres contributions relevant uniquement de l’employeur, telles que le versement transport, la contribution au Fnal, la contribution solidarité autonomie, le forfait social, la taxe d’apprentissage, et la contribution patronale au financement des organisations syndicales, sont regroupées en une seule ligne.

Des éléments supprimés :

- La référence de l’organisme auquel l’employeur verse les cotisations de sécurité sociale et le numéro sous lequel elles sont versées n’ont plus à être mentionnés sur le bulletin de paie.

- Le récapitulatif annuel remis au salarié mentionnant la nature, le montant et le taux des cotisations et contributions patronales assises sur la rémunération brute.

Des éléments ajoutés

- En insérant sur le bulletin de paie la somme du salaire brut et des contributions de l’employeur et le montant total des allégements financés par l'État ayant un impact sur les cotisations sociales, les salariés ont désormais accès au coût du travail.

- Le renvoi vers le site Service-public.fr permettant aux salariés de mieux comprendre leur bulletin de paie devient une mention obligatoire.

Un calendrier en trois temps :

- Depuis le 1er mars 2016, les entreprises qui le souhaitent peuvent adopter le nouveau modèle. 11 entreprises pilotes, dont la BNP, la Société Générale ou encore Saint-Gobain, ont ainsi choisi d’expérimenter ce bulletin de paie simplifié au cours du 1er trimestre 2016.

- A compter du 1er janvier 2017, le bulletin de paie simplifié devient obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés.

- A compter du 1er janvier 2018, le nouveau modèle doit être utilisé par l’ensemble des entreprises.

Deux statuts, deux modèles

Les libellés et l’ordre des mentions obligatoires diffèrent selon le statut du salarié, cadre ou non-cadre.

Le point de vue d’Elodie Tabel Diffaza, responsable Gestion sociale chez In Extenso, cabinet d’expertise comptable :

« Cette réforme a pour unique objectif de clarifier les informations mentionnées sur le bulletin de paie afin de le rendre plus compréhensible pour le salarié, et non de simplifier les calculs ou même d’alléger les coûts pour l’entreprise. Mais celui-ci sera-t-il vraiment plus compréhensible ? Le fait de fusionner certaines rubriques et de regrouper des taux de cotisation risquent au contraire de générer plus d’interrogations auprès des salariés car ce nouveau modèle ne leur permettra pas de détecter d’éventuelles erreurs. De plus, les législateurs ont figé le bulletin au regard d’une réglementation à un instant T, sans prendre en compte la perspective d’évolution de la réglementation fiscale avec notamment le prélèvement à la source. Un certain nombre de paramètres n’ont pas non plus été pris en compte comme les remboursements des frais, les compteurs de congés payés, les Ticket Restaurant, les acomptes, les saisies sur salaires… Nous ne savons pas encore si les entreprises auront le droit d’aller au-delà de ce bulletin clarifié… »

Stéphanie Marpinard

2 - 5 conseils pour réussir la mise en place du bulletin de paie simplifié

Si le bulletin de paie est devenu au fil du temps de plus en plus complexe à comprendre pour les salariés, ces derniers y restent néanmoins attachés. Comment simplifier le travail des gestionnaires de paie et faire accepter au mieux ce nouveau modèle auprès des collaborateurs de l’entreprise ? Tour d’horizon des bonnes pratiques…

1.       Etablir un état des lieux général

« Il est important pour les entreprises de rappeler le cadre du dispositif global de simplification dans lequel entre cette clarification du bulletin de paie », déclare Olivier Vivat, associé expert RH et SIRH au sein du cabinet Althea. Ainsi, la DSN, le bulletin de paie simplifié et bientôt le prélèvement des impôts à la source entrent tous dans ce contexte global de simplification et s’appuient sur des dispositions légales qui vont avoir des impacts sociaux, des impacts applicatifs, mais aussi des impacts sur les processus métiers.

2.     Anticiper

« Les entreprises concernées par la première date butoir ne doivent pas attendre le 31 décembre 2016 en s’imaginant n’avoir simplement qu’à appuyer sur un bouton pour éditer la nouvelle maquette du bulletin de paie. Elles doivent anticiper », prévient Agnès Pasquier, directrice du pôle conseils et formation de Cegedim SRH. Et de conseiller : « Il est important  de se mettre en mode projet avec une équipe dédiée et des référents pour pouvoir anticiper et préparer la transition, mais également staffer en interne les métiers qui seront certainement très sollicités par les collaborateurs ».

3.     Contacter son éditeur

Les entreprises doivent très rapidement contacter leur éditeur de logiciels afin de vérifier si ces derniers sont ou non opérationnels. « Quand est-ce que l’entreprise pourra éditer ces nouveaux bulletins de paie ? », « Quels sont les prérequis du logiciel ? », « Quels seront les paramétrages à mettre en place ? », « Sera-t-il techniquement possible de sortir les premiers mois la nouvelle et l’ancienne version du bulletin de paie »… Autant de questions cruciales à poser selon Elodie Tabel Diffaza, responsable Gestion sociale chez In Extenso.

4.     Adapter sa communication

« Il est essentiel de mettre en place une conduite du changement très en amont du projet afin de préparer les salariés au nouveau format de ce bulletin, mais pas uniquement. Il faudra également impliquer les gestionnaires de paie, les responsables paie, les DRH, sans oublier les syndicats », indique L’Azize Hebbouche, directeur associé au sein de Calexa Group. Avec certains éditeurs,  des entreprises risquent de devoir investir sur des outils de contrôle supplémentaires car ils n’auront plus accès à leur ancien bulletin. « Cette conduite du changement va donc devoir se faire également dans la négociation », précise L’Azize Hebbouche.

5.     Remettre à plat les processus

Pour Olivier Vivat, « il faut profiter de la mise en place de ce projet pour avoir en parallèle une réflexion sur la maîtrise globale de la paie au-delà du simple bulletin », conseillant ainsi, par exemple, au travers d’un livre blanc, de faire un état des lieux et de procéder à un dépoussiérage de la réglementaire de paie. « Les entreprises ne doivent pas hésiter à profiter de la simplification du bulletin de paie pour passer le cap de la dématérialisation », ajoute, pour sa part, L’Azize Hebbouche. L’intérêt ? « Un gain de temps, mais aussi d’argent, puisque les entreprises n’auront qu’une seule conduite du changement à mettre en place au lieu de deux. »

Stéphanie Marpinard

3 - « Cette simplification ne se résume pas à alléger le bulletin de paie », Agnès Pasquier, Cegedim SRH

Quels sont les impacts du nouveau bulletin de paie simplifié sur les logiciels de paie ?

La mise en œuvre du nouveau bulletin de paie simplifié nécessite tout d’abord l’adaptation des maquettes de bulletin (la partie visible), mais également la révision du back-office pour proposer aux équipes de paie de nouveaux outils de contrôle.Les éditeurs sont obligés de revoir les maquettes des bulletins de paie envoyés à chacun des clients. L’adaptation concerne notamment le corps du bulletin avec une nouvelle présentation des colonnes. Chaque entreprise ayant souvent choisi une présentation spécifique, toutes les informations personnalisées nécessitent d’être reprises (statut, qualification, cumuls, calendrier, logo…).Outre ces modifications de maquette, les éditeurs doivent également intervenir au niveau de l’alimentation des lignes existantes puisque le bulletin de paie clarifié tend à réduire ce nombre de lignes. Or, cette simplification ne se résume pas à alléger le bulletin, mais il nécessite d’agréger certaines lignes de cotisation. Le travail préparatoire consiste donc à identifier les cotisations standards et spécifiques (prévoyance, retraite, mutuelle, frais de santé…) et les regrouper par risque de cotisations.

A quel type d'écueils vont être confrontées les entreprises ?

Les entreprises vont devoir faire face à un enjeu important, celui de maintenir le niveau de confiance de leurs collaborateurs face à ce nouveau bulletin de paie. Au-delà du montant du salaire mensuel, le bulletin de paie est en effet un document crucial qui scelle la relation entre l’employeur et le salarié et lui assure ses droits sociaux : retraite, maladie, congés payés… Cette simplification du bulletin de paie ne doit pas simplement se résumer à une réduction du nombre de lignes, mais elle doit s’inscrire dans un véritable dispositif pédagogique, de réassurance et de proximité envers les collaborateurs. Au-delà de l’aspect technique, les éditeurs de paie vont avoir également un véritable rôle d’informations à jouer pour accompagner et rassurer les gestionnaires et les responsables de paie. En plus des experts en paie, il va falloir également communiquer auprès d’un public dont ce n’est pas le métier, que ce soit les managers, les collaborateurs ou encore les services RH, à travers un dispositif d’accompagnement adapté via des campagnes de communication, des supports, des réunions…

Que propose aujourd’hui Cegedim SRH pour accompagner ses clients dans la mise en place de ce nouveau bulletin de paie ?

Cegedim SRH s’est engagé activement dans la phase pilote du bulletin de paie clarifié avec l’un de ses clients qui s’est porté volontaire pour faire partie de la commission Sciberras. Dans cette phase d’expérimentation, les nouveaux bulletins seront envoyés à plus de 3 000 salariés (dans 7 sociétés) dès le mois de Juin. Les échéances sont donc très courtes puisque le décret et l’arrêté ne sont sortis que le 26 février. Ce pilote nous permet de capitaliser, de travailler et d’anticiper le big bang de 2017, puisque l’ensemble de nos clients entrent dans le scope des entreprises de 300 salariés qui devront adopter le bulletin clarifié dès janvier 2017. La fin d’année 2016 étant une période particulièrement chargée pour les équipes de Paie (DSN Phase 3, N4DS, clôture de fin d’année…), il était essentiel pour nous d’anticiper et de proposer à nos clients un calendrier adapté pour mettre en place le nouveau bulletin.Pour accompagner nos clients dans ce projet nécessitant une forte conduite de changement, nous sommes également en mesure de leur proposer la double édition pendant la période de leur choix. La double édition consiste à envoyer simultanément le bulletin de paie dans l’ancien et le nouveau format. Nous sommes convaincus que cette fonctionnalité sera particulièrement appréciée à la fois par les salariés et les managers de proximité.

Stéphanie Marpinard

4 - Calendrier idéal, mode d’emploi

A compter du 1er janvier 2017, le bulletin de paie simplifié deviendra obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés. Une date butoir qui laisse aujourd’hui peu de temps pour mettre en place un tel projet. Le point sur 4 étapes clés…

Alors que les entreprises pilotes ont de mars à septembre pour mettre en œuvre la simplification du bulletin de paie et que cette phase de tests donnera lieu à un bilan officiel seulement en septembre, force est de constater que le planning risque d’être serré pour les entreprises qui souhaitent attendre les retours d’expérimentation. Si le bilan officiel pourra potentiellement donner lieu à des adaptations des décrets parus en février 2016, la plupart des experts préconisent d’anticiper cette mise en place dès aujourd’hui.

Etape 1 : Etablir une analyse d’impact

Même si le bilan officiel ne sera communiqué qu’au mois de septembre, les décrets parus le 26 février dernier ont déjà révélé un certain nombre de nouveaux agrégats sur les cotisations et l’apparition de nouvelles rubriques. « Les services paie doivent dès aujourd’hui établir une étude d’impact sur ce que ces modifications vont impliquer en termes applicatifs, et derrière en termes de check », explique L’Azize Hebbouche, directeur associé au sein de Calexa Group. Cette première étape permettra ainsi d’avoir dès septembre une équipe mobilisée qui a déjà connaissance du sujet et qui en a mesuré les impacts sur le bulletin de paie, sur le réglementaire de la paie, sans oublier sur les processus de contrôle de la paie.

Etape 2 : Faire le point avec son éditeur

« Il est impératif de faire un point rapidement avec son éditeur pour savoir ce que ce dernier va être à même de proposer  », prévient Olivier Vivat, associé expert RH et SIRH au sein du cabinet Althea. L’objectif va être ainsi de vérifier si le standard livré va pouvoir être intégré facilement ou s’il va nécessiter des compléments de paramétrages spécifiques. « A partir de ces informations, il sera ainsi possible de réaliser plus facilement un planning projet », précise Olivier Vivat.

Etape 3 : Définir la nouvelle maquette

« Il ne faut pas sous-estimer l’impact que cette réforme aura sur le bulletin de paie, rappelle L’Azize Hebbouche. Le nouveau modèle n’implique pas seulement un regroupement de rubriques et une totalisation des cotisations, c’est un peu plus compliqué que cela puisque le format au niveau graphique va devoir être entièrement remédié. » La définition de la nouvelle maquette doit donc être anticipée. « Dans cette optique, l’équipe paie va devoir d’ici le mois de septembre transmettre une expression de ses besoins à sa DSI  ou à son prestataire si le sujet est externalisé », indique Olivier Vivat.

Etape 4 : Mettre en place le nouveau bulletin

La période entre septembre et janvier devra être consacrée à la mise en place concrète de ce nouveau bulletin clarifié. « Dès la rentrée, la DSI ou le prestataire en charge de la solution doit entrer en action et intervenir au niveau applicatif afin de modifier les programmes qui permettent d’éditer le bulletin », déclare Olivier Vivat. En parallèle à cette phase de tests et de mise en production, il est conseillé de mettre en place rapidement la conduite du changement afin de commencer à informer, sans forcément rentrer dans les détails dès le départ, l’ensemble des salariés de l’entreprise des futures évolutions à venir.

Stéphanie Marpinard

5 - Il ne faudra pas sous-estimer le temps de mise en œuvre effective de cette nouvelle présentation", Philippe Burger, Deloitte

D’ici au 1er janvier 2018, l’ensemble des entreprises françaises devra avoir adopté le nouveau bulletin de paie simplifié. Quelles précautions prendre pour les employeurs et comment communiquer auprès de leurs salariés ? Philippe Burger, associé responsable Capital Humain au sein du cabinet Deloitte, fait le point sur la question.

Quelles sont les erreurs à éviter de la part des entreprises dans la mise en place de ce bulletin de paie simplifié ?

Pour simplifier la lisibilité du bulletin de paie, les familles de cotisations vont être regroupées, il est donc essentiel de ne pas en oublier. Les entreprises doivent ainsi prendre garde à intégrer les bonnes familles de cotisation dans la nouvelle typologie de présentation. Autre précaution à prendre : ne pas sous-estimer le temps de mise en œuvre effective de cette nouvelle présentation. En effet, les cotisations restant toujours aussi complexes puisqu’elles ne disparaissent pas mais sont seulement regroupées, les entreprises vont devoir faire face à presque autant de cas particuliers que de salariés. Enfin, il faut garder à l’esprit qu’il y a deux nouveaux bulletins à mettre en place : celui pour les cadres et celui pour les non cadres.

Peut-on réellement parler de simplification ?

Chez Deloitte, nous sommes assez réservés sur le terme de simplification. Il est en effet difficile d’affirmer que ce nouveau bulletin va réellement simplifier le travail de l’entreprise. Je parlerai plutôt de clarification en termes de présentation. Certes, cette réforme reste positive pour les collaborateurs puisqu’ils vont mieux comprendre ce pourquoi ils cotisent, mais pour l’entreprise le travail reste complexe car l’on n’a pas simplifié les canaux de collecte des sommes ni ensuite de la diffusion de ces sommes.

La mise en place de ce nouveau bulletin aura-t-elle un impact financier pour les entreprises ?

Nous ne voyons pas à moyen terme quelles économies pourront être réalisées avec ce nouveau modèle.  Pour les entreprises gérant elles-mêmes leur bulletin de paie, il risque même d’y avoir un surcoût puisqu’elles vont devoir adapter les nouveaux documents avec des risques d’erreur inhérents et donc des corrections à intégrer.

Que doit demander l’entreprise à son éditeur ?

Le travail doit se faire en étroite collaboration. Si pour chaque éditeur, il y aura un socle commun à tous les clients, certains éléments, tels que typiquement la mutuelle ou le régime de prévoyance, vont être propres à chaque entreprise. Ces dernières vont donc devoir être assez vigilantes sur ces éléments spécifiques et procéder ensemble à des tests sur la nouvelle maquette du bulletin de paie.

Comment l’entreprise peut-elle communiquer sur ce nouveau bulletin auprès de ses salariés ?

Je conseillerai une communication par phase. Dans un premier temps, en joignant au bulletin de paie actuel un exemple du futur modèle. Puis en mettant en place une campagne de communication via l’intranet ou de manière plus ciblée avec des thématiques très précises sur la protection sociale, la retraite et leurs conséquences sur la vie des salariés.

Stéphanie Marpinard