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Lutte contre le harcèlement en entreprise : #NotMe s’installe en France

Le | Bien-être au travail

#NotMe, l’application anti-harcèlement en entreprise, est arrivée en France. Quelle est l’approche et le mode d’emploi ? Entretien croisé avec Amélie Berruex et Emmanuel Weindling pour NotMe Solutions France.

#NotMe, l’application anti-harcèlement en entreprise arrive en France - © D.R.
#NotMe, l’application anti-harcèlement en entreprise arrive en France - © D.R.

Comment lutter contre le harcèlement en entreprise ? #NotMe est une application permettant aux salariés de signaler le racisme, le harcèlement, la discrimination ou tout comportement inapproprié, en tant que victimes ou témoins, dans l’entreprise.

Apparue aux Etats-Unis en 2018 et déclinée au Canada, elle est arrivée en France en mars 2021.

Derrière le projet #NotMe, on trouve Ariel Weindling, un avocat franco-américain spécialisé dans le droit du travail qui vit en Californie. Pendant des années, il a conseillé des entreprises sur les questions de harcèlement, de diversité, de discrimination et d’inclusion. 

A la suite des révélations qui éclatent aux Etats-Unis concernant le producteur cinématographique Harvey Weinstein accusé d’agressions sexuelles et de viols, Ariel Weindling s’est interrogé sur la suite à donner du mouvement #MeToo, qui a émergé en 2017 et qui a fait beaucoup pour la libération de la parole de victimes de délits similaires.

« Ariel a estimé, avec son expérience et en constatant que le problème n’était peut-être pas pris de la bonne manière, qu’il y avait quelque chose à faire. C’est ainsi qu’est née l’application », explique Emmanuel Weindling, Président de NotMe Solutions France (et frère d’Ariel Weindling), depuis janvier 2021.

« Le nom qui lui a été donné est une forme de cri des victimes victimes de comportements inappropriés, qui ne veulent plus en être, et des employeurs qui ne veulent pas cautionner ce genre de comportement mais plutôt écouter leurs collaborateurs d’une façon différente, sécurisante et moderne. L’outil intègre également l’ensemble des collaborateurs, qui peuvent agir en tant que témoin », explique-t-il. 

Il est possible de lancer une alerte en moins de trois minutes sur l’application dans un environnement sécurisé disponible sur une application mobile. Mais son usage est davantage encadré en France.

« Aux États-Unis, il s’agit d’une plateforme ouverte. Tout le monde peut télécharger l’application et remonter des alertes, que son employeur soit ou non client chez #NotMe », précise Amélie Berruex, directrice de NotMe Solutions France. « Ce n’est pas possible pour des questions de réglementation en France. Pour l’usage de NotMe, il faut que l’employeur accepte de mettre en place l’application dans son entreprise. »

(extrait d’un entretien croisé publié le 28 mai 2021 sur News Tank RH)

Dans quel contexte #NotMe a démarré ses activités en France ? 

#NotMe France : Amélie Berruex et Emmanuel Weindling - © D.R.
#NotMe France : Amélie Berruex et Emmanuel Weindling - © D.R.

Emmanuel Weindling : « Notre arrivée sur le marché français est très intéressante. Elle se fait à un moment où il y a une déferlante de comptes Instagram qui sont lancés, comme «Balance ton Agency », « Balance ta Start-up » ou « Balance ton Stage ».

  • Cela démontre que les salariés ont besoin de s’exprimer, mais ne trouvent pas le moyen de le faire en interne. Les personnes derrière ces comptes font un grand travail de libération de la parole.
  • Il faut maintenant trouver une solution à ces problèmes en interne, dans les organisations, pour faire évoluer les cultures. C’est à ce moment que nous arrivons en France.

Nous avons rapidement été contactés par des agences de communication qui affirment ne pas avoir eu conscience de ces problèmes dans leur secteur et qui souhaitent mettre en place #NotMe.

Mais tous les secteurs sont touchés, c’est un problème de société assez profond.

Nous avons été approchés par le monde de la musique mais aussi par des grandes écoles, qui prennent ces questions au sérieux. Cela implique toutefois une adaptation aux problématiques étudiantes.

Nous observons que les gens ont envie de changer les choses dans les entreprises, que ce soit du côté employeur que du côté employé. Il y a une vraie prise de conscience et une recherche réelle de nouveaux moyens pour y parvenir.

Pourquoi privilégiez-vous un modèle BtoB en France ?

Amélie Berruex : En France, pour des questions réglementaires, il faut que l’employeur ait décidé de mettre en place l’application dans son entreprise.

Les données sont chiffrées et sécurisées et rien n’est stocké au niveau de l’entreprise. C’est un point très important du fonctionnement de la plateforme, pour garantir l’anonymat et la confiance des salariés.

Nous les encourageons à utiliser une adresse e-mail personnelle lors de la création de leur compte #NotMe afin de leur rappeler que l’entreprise n’a pas le contrôle sur la donnée.

  • Il n’y a pas d’interface avec les bases RH de l’entreprise.
  • Il n’y a pas de notions de chargement de profil.
  • Nous ne stockons pas d’informations qui viennent de l’entreprise.

Emmanuel Weindling  : Nous avons répliqué nos serveurs en France pour être en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) applicable en Europe.

  • Nous avons des serveurs aux États-Unis pour les clients nationaux.
  • Les serveurs en France sont pour les clients européens.

Nous traitons de la donnée, qui transite par notre outil, mais tout est fait pour préserver l’anonymat du lanceur d’alerte s’il est souhaité.

Que peut-on signaler sur #NotMe ?

Amélie Berruex : Cela dépendra de l’entreprise, car le questionnaire est complètement paramétrable.

  • Nous mettrons à disposition des listes par défaut et ferons des propositions. La liste peut être très réduite ou très large.
  • L’idée est de remonter un maximum tout ce qui pourrait être considéré comme étant déplacé par rapport aux valeurs de l’entreprise.

L’application est là pour faciliter la remontée de l’alerte et améliorer la communication ainsi que la relation entre l’employeur et l’employé.

Beaucoup des questions posées à chaque étape ne sont pas obligatoires : si la personne ne sait pas ou ne veut pas répondre à certains éléments, elle a la possibilité de passer à l’étape suivante et faire remonter l’alerte malgré tout.

Emmanuel Weindling  : Du côté de l’employeur, tout est facilité aussi. Nous avons une couche d’intelligence artificielle capable :

  • d’analyser tous les rapports et toutes les alertes qui sont soumises ,
  • de les noter , 
  • d’indiquer à la personne qui est derrière le tableau de bord si le rapport est en rouge (appelle un traitement très rapide), en médium (alerte moins pressante) ou en vert (communication avec la personne concernée).

Il est possible pour l’employeur d’entrer en conversation avec la personne qui a lancé cette alerte afin d’en savoir plus sur ce qu’il s’est passé, grâce à une fonction de messagerie instantanée qui assure l’anonymat.

Comment se passe la mise en place de l’outil pour les entreprises ?

Amélie Berruex  : Un environnement dédié est mis en place et un QR Code unique, dédié à l’entreprise cliente #NotMe, est à saisir lors du téléchargement de l’application sur son smartphone.

  • Il permettra d’identifier l’entreprise concernée par l’alerte.
  • Un responsable implémentation va ensuite aider l’entreprise à personnaliser le questionnaire et la guider à chaque étape, jusqu’à la mise à disposition de l’outil à l’ensemble des salariés. Ensuite, ils échangeront à l’occasion de points de situation.
  • L’entreprise devra définir son utilisation de l’outil ainsi que des règles à appliquer au-delà :
    • qui traitera les alertes ? 
    • quels délais de réactions à déterminer ?
    • quel cadre à affiner ?

Côté salarié, quel est le processusd’alerte ?

Emmanuel Weindling  : l’application est disponible sur les galeries d’applications pour les terminaux Android et iOS (iPhone).

Quant au processus, nous essayons d’être le plus factuel possible, ce qui permet d’obtenir de la donnée exploitable rapidement.

Le salarié sera guidé du début à la fin de l’alerte et répondra à quatre questions :

  • «  Qui ? » pour déterminer qui est concerné ;
  • « Quoi ? » pour définir ce qui a posé problème ;
  • « Quand » pour préciser la date les faits ;
  • « Où ? » pour localiser, dans l’entreprise ou en dehors, les incidents objets du signalement.

Le salarié pourra cocher des réponses proposées, ce qui évite le « syndrome de la page blanche » susceptible de décourage d’aller jusqu’au bout de la démarche. 

Chaque question peut être complétée par des commentaires personnalisés.

À la fin du processus de déclaration, l’employé a deux choix :

  • sauvegarder l’alerte dans son téléphone, pour y réfléchir ;
  • la soumettre. Lorsqu’elle est envoyée, l’alerte est transmise à son employeur et les échanges peuvent démarrer.

Le questionnaire de notre application est conçu de sorte qu’aucune donnée sensible ne remonte. Les propositions sont génériques et permettent de récupérer le sentiment de la personne.

Il a été développé avec l’aide d’experts (avocats, DRH, psychologues) mais aussi de victimes pour faciliter et sécuriser la démarche du signalement.