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Capter les savoirs informels en entreprise, le créneau original de Speachme fait mouche

Le | Mobile learning

Créée en 2012, la startup nantaise vient de lever dix millions d’euros pour se renforcer aux Etats-Unis et capitaliser sur les apports de l’intelligence artificielle. Sa solution de transmission des savoirs entre salariés a conquis près de 70 % du CAC 40

Capter les savoirs informels en entreprise, le créneau original de Speachme fait mouche
Capter les savoirs informels en entreprise, le créneau original de Speachme fait mouche

C’est l’une des plus belles levées de fonds de ce début d’année. Dans un nouveau tour de table après celui d’octobre 2016, Speachme a réuni dix millions d’euros auprès du fonds français Red River West et d’Alven, son investisseur historique. Avec cet argent frais, la startup, créée en avril 2012, entend accélérer sa croissance en France et aux Etats-Unis. Après ceux de New York et San Francisco, elle ouvrira un nouveau bureau à Los Angeles.

Le positionnement très original de Speachme lui a permis de gagner de belles références. Elle revendique près de 70 % des acteurs du CAC 40 dont Total, Airbus, Air Liquide, Valeo, Air France, Carrefour, BNP Paribas et Safran. Elle a aussi épinglé des multinationales telles que Coca-Cola ou McDonald et des « licornes » comme BlaBlaCar. Outre-Atlantique où elle présente depuis un an et demi, Speachme a été adoptée par Tesla, Amazon et General Electrics.

Qu’ont trouvé ces grands comptes internationaux chez cette jeune pousse nantaise ? Une complémentarité à leurs plateformes d’e-learning (LMS, Learning Management System). Speachme se propose de capter le savoir informel en entreprise, tout ce qui ne peut donner lieu à une formation générique comme un geste technique particulier ou un processus maison.

Cette captation se présente le plus souvent sous forme de séquences vidéo où les salariés disposant de cette connaissance particulière se mettent en scène. Destinés avant tout à un usage sur mobile, ces tutoriels vidéo, baptisés « speachs », peuvent être enrichis de documents écrits et autres quizz et facilement annotés.

Parcours d’intégration et transfert de compétences

Les cas d’usage sont multiples. La solution de Speachme se prête au parcours d’intégration des nouvelles recrues (« onboarding ») et, à l’autre extrémité de la pyramide des âges, au transfert de compétences avant un départ à la retraite. Dans un contexte d’évolution permanente des métiers, elle permet de diffuser rapidement des savoirs sans passer par les lourdeurs de la formation en ligne et plus encore du présentiel. Une banque présentera à ses équipes de vente un nouveau produit en moins de dix minutes chrono.

Le profil du client type ? « Les entreprises dont un grand nombre de salariés entrent et sortent de l’effectif chaque année, avance Najette Fellache, fondatrice de Speachme. La dimension multisites et multiculturel se prête aussi au concept. En proposant un système de sous-titrage automatique et une voix off, notre solution permet à des multinationales comme Valeo de transférer des savoirs entre la Chine et l’Europe ou inversement. Dans tous les cas, il y a une volonté de ROI immédiat, en augmentant la productivité, l’aide à la vente. »

Speachme cultive aussi sa différence avec les plateformes de LMS. « Notre philosophie est différente, poursuit Najette Fellache. L’approche de l’e-learning est très « top down ». Les contenus sont décidés par le département formation puis diffusés aux salariés. Avec Speachme, nous sommes dansle partage de savoirs entre salariés, en mode pair à pair ».

Alors que les entreprises clientes concevaient jusqu’alors leurs vidéos de façon artisanale, en jonglant entre les différents outils d’édition et de collaboration, Speachme intègre toute la panoplie, du banc de montage de montage simplifié au screencast. Les « speachs » peuvent être lus sur n’importe quelle plateforme de streaming en embarquant leur code (embed) comme on le fait sur YouTube. La diffusion de ces contenus est paramétrable, limitée à certaines personnes, à une équipe ou à un département métier.

« Le salarié n’est pas un formateur »

Najette Fellache insiste sur la dimension accompagnement du changement. « Un salarié n’est pas un formateur. Il doit être guidé pour convertir un savoir brut en contenu pédagogique. Une fois passé la réticence initiale on assiste à un effet d’entraînement. Il faut s’appuyer sur ces ambassadeurs, à l’origine des premiers « speachs ». »

La solution se charge aussi d’importer les vidéos et les présentations existantes, disséminées sur les plateformes de knowledge management, les intranets et autres réseaux sociaux d’entreprise (RSE). Speachme propose aussi des connecteurs (APIs) pour s’interfacer à des applications tierces et à un système authentification unique (Single sign-on, SSO) pour ne pas avoir à saisir un nouveau couple d’identifiant et de mot de passe.

Au-delà de l’expansion à l’international, les fonds levés serviront à financer les investissements en R&D. Speachme compte tirer parti de la réalité augmentée et de l’intelligence artificielle. L’IA doit aider la startup de deux façons. Elle permettra d’industrialiser la captation et la modélisation d’un savoir propre à un métier. Elle aidera aussi à diffuser le bon « speach » à la bonne personne en fonction de son profil et de sa géolocalisation via un moteur de suggestions contextualisées. Avec ces nouveaux développements, Speachme qui emploie 40 personnes devrait tripler son effectif d’ici fin 2018.

Xavier Biseul